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Présentation de l’application
Après avoir rapidement paramétré l’application, quand on l’ouvre, on tombe sur le profil des utilisateurs que l’on peut faire glisser à gauche - ce qui signifie que le profil ne nous intéresse pas - soit faire glisser à droite. Lorsque le swipe droit est réciproque, c’est un « match » : les deux utilisateurs sont mis en relation et peuvent échanger des messages. Le nombre de likes est limité à 50 par jour, hors option premium.
Actualités et tensions
Notre travail fait suite à une critique ambiante des applications de rencontre. Le 26 Février dernier, Le Monde publiait par exemple un article sur ces gens qui ont quitté Tinder. Sont évoquées la facilité, la misogynie, l’artificialité de ces applis, etc. Des scandales autour d’une sélection sociale des profils émaillent aussi le succès de Tinder en France (espace géographique de notre exploration), ce qui laisse penser que Tinder réduit les potentialités de rencontre. Pourtant, à première vue, nous pourrions penser que nous sommes plus libres de nos rencontres quand elles ne se font pas dans les espaces traditionnels de rencontre : milieu scolaire et universitaire (influencés par le milieu social), milieu professionnel (qui le sont aussi), et loisirs (qui le sont aussi). Ce paradoxe a suscité notre questionnement et la problématique suivante :
La sociologue Eva Illouz est la première à travailler sur le sujet, dans un ouvrage sur le « non-amour » où elle évoque les ruptures, la solitude et l’effondrement des relations amoureuses à l’époque contemporaine. Elle indique que la rencontre en ligne favorise la multiplication des partenaires potentiels, et donc des relations sans lendemain. Son travail demeure critiqué pour sa faiblesse empirique et son manque de nuance. Marie Bergström, grande spécialiste du sujet, s’attaque également à sa vision des choses. Pour elle, les usages sont davantage diversifiés. Elle reprend la notion de « désencastrement » proposée par l’économiste Karl Polanyi pour montrer que le capitalisme tend à retirer les activités de la sphère privée pour les mettre dans une sphère collective et générer du profit, et applique ce phénomène aux applications de rencontre. Enfin, il faut ajouter que de nombreux travaux journalistiques ont été menés sur le rôle caché des algorithmes sur Tinder, par Judith Duportail notamment.
Cela nous a inspiré sur 2 axes d’études. Nous souhaitons montrer que les dynamiques sociales à l’œuvre dans une rencontre sentimentale hors-ligne se reproduisent – et sont exarcerbées – par les applications de rencontre. Nous nous sommes intéressés d’abord au mécanisme d’endogamie sociale, dont nous pensons qu’il se prolonge sur l’application du fait de son algorithme. Ensuite, nous avons observé que ces mécanismes mettent en relation avec une grande instantanéité des profils dont la construction exprime des comportements stéréotypés en terme de genre.